Si vous gérez un diabète de type 1 ou de type 2, vous savez que le simple fait de regarder votre HbA1c chaque trois mois ne vous dit pas toute l’histoire. Deux personnes peuvent avoir le même HbA1c à 7 %, mais l’une passe 80 % du temps avec une glycémie stable, tandis que l’autre connaît des montées et descentes brutales. C’est là que le temps dans la plage (TIR) entre en jeu. Ce n’est pas un terme de mode - c’est une révolution dans la gestion du diabète, rendue possible par les capteurs de glycémie en continu (CGM).
Qu’est-ce que le temps dans la plage ?
Le temps dans la plage, ou TIR, mesure la proportion de temps où votre glycémie reste entre 70 et 180 mg/dL (3,9 à 10,0 mmol/L). C’est la zone où votre corps fonctionne sans stress excessif, sans risque d’hypoglycémie ni d’hyperglycémie prolongée. L’objectif recommandé pour la plupart des adultes est d’être dans cette plage au moins 70 % du temps - soit environ 17 heures par jour. Cela correspond à un HbA1c d’environ 7 %, mais c’est bien plus précis. L’HbA1c vous donne une moyenne sur trois mois, comme un résumé d’un livre. Le TIR, lui, vous lit chaque chapitre, minute par minute.
Les capteurs CGM prennent une lecture toutes les 1 à 5 minutes. Au cours de 14 jours, cela donne entre 1 300 et 20 000 points de données. Ce n’est pas juste un graphique joli : c’est une carte de votre corps en temps réel. Vous voyez quand votre glycémie monte après un repas « sain », quand elle chute pendant la nuit, ou quand l’exercice vous stabilise. Ces détails, invisibles à l’HbA1c, sont les clés pour ajuster votre alimentation, vos médicaments et votre activité physique.
Pourquoi le TIR est mieux que l’HbA1c seul
Pensez à un patient qui a un HbA1c de 6,8 % - un résultat « parfait ». Mais pendant ce temps, il passe 30 % de son temps en hyperglycémie (>180 mg/dL) et 8 % en hypoglycémie (<70 mg/dL). Il a des pics dangereux après le déjeuner, des baisses nocturnes sans alerte, et il ne le sait pas. Son HbA1c cache tout ça. Avec le TIR, ces épisodes deviennent visibles. Une étude du Cleveland Clinic a montré que deux patients avec le même HbA1c pouvaient avoir des TIR de 50 % et 90 % - et donc des risques de complications totalement différents.
Le TIR ne remplace pas l’HbA1c. Il le complète. Ensemble, ils forment un duo puissant : l’HbA1c vous dit où vous en êtes sur le long terme, le TIR vous montre comment vous y arrivez. Et c’est cette trajectoire qui détermine votre risque réel de complications : rétinopathie, neuropathie, maladie rénale. Plus vous êtes dans la plage, moins vous exposez vos vaisseaux et vos nerfs à des pics de sucre. Des données de la ADA en 2025 confirment que chaque augmentation de 10 % du TIR réduit significativement le risque de complications microvasculaires.
Les autres métriques à connaître
Le TIR n’est qu’un morceau du puzzle. Pour avoir une vision complète, vous devez aussi regarder :
- Temps en dessous de la plage (TBR) : le temps passé en hypoglycémie (<70 mg/dL). L’objectif est de rester en dessous de 4 % (moins d’une heure par jour). Un TBR supérieur à 1 % signifie un risque accru d’épisodes graves.
- Temps au-dessus de la plage (TAR) : le temps passé en hyperglycémie (>180 mg/dL). Idéalement, il devrait être inférieur à 25 %. Plus il est élevé, plus vous risquez des dommages chroniques.
- Variable de glycémie (CV) : mesure la fluctuation de votre glycémie. Un CV inférieur à 36 % est considéré comme stable. Un CV élevé signifie des montées et descentes brutales, même si votre TIR est bon.
- Temps dans la plage serrée (70-140 mg/dL) : une cible plus stricte, souvent utilisée en recherche. Elle reflète les niveaux observés chez les personnes sans diabète. Certains patients avancés visent cette plage pour une meilleure santé à long terme.
Les appareils CGM modernes (Dexcom, Abbott, Medtronic) affichent ces données dans des tableaux clairs. Vous n’avez pas besoin d’être un expert pour les lire. Un simple graphique en barres vous montre en une seconde si vous êtes dans la zone verte, jaune ou rouge.
Comment utiliser le TIR pour prendre de meilleures décisions
Le vrai pouvoir du TIR vient de l’action. Voici comment transformer les données en changements concrets :
- Identifiez les déclencheurs : après un repas, votre glycémie monte à 220 mg/dL ? Notez ce que vous avez mangé. Un « smoothie sain » avec du jus de fruit peut causer un pic plus fort qu’un sandwich au pain complet.
- Adaptez la prise de médicaments : si vous avez des baisses nocturnes, votre dose d’insuline de fond est peut-être trop élevée. Si vous êtes en hyperglycémie après le petit-déjeuner, vous avez peut-être besoin d’ajuster votre dose rapide.
- Planifiez l’activité : une marche de 20 minutes après le dîner peut réduire votre TAR de 15 %. Le TIR vous montre ce qui fonctionne pour vous, pas ce qui fonctionne pour quelqu’un d’autre.
- Évitez les pièges : beaucoup pensent qu’un HbA1c à 6,5 % signifie qu’ils peuvent « se reposer ». Mais si vous passez 6 heures par jour à 200 mg/dL, vous êtes toujours en danger. Le TIR vous empêche de vous automatiser.
Des patients racontent comment ils ont découvert que le fromage, les noix ou même le café sans sucre faisaient grimper leur glycémie. Ces révélations ne seraient jamais apparues avec une prise de sang mensuelle. Le TIR rend le diabète personnel. Il vous donne le contrôle.
Les défis pratiques
Le TIR n’est pas parfait. Les capteurs CGM doivent être remplacés tous les 10 à 14 jours. Certains les trouvent inconfortables, surtout la nuit. Les erreurs de calibration peuvent arriver, surtout avec les premiers modèles. Et il y a le coût : même si les assurances au Canada et aux États-Unis élargissent leur couverture, tout le monde n’y a pas accès.
La bonne nouvelle ? La situation s’améliore. En 2023, 42 % des bénéficiaires de Medicare aux États-Unis avec un diabète de type 2 utilisaient un CGM - contre 15 % en 2019. La ADA a mis à jour ses lignes directrices en 2025 pour recommander explicitement les CGM aux personnes avec diabète de type 2, même si elles ne prennent pas d’insuline. Cela ouvre la porte à des millions de patients supplémentaires.
Le vrai défi, c’est l’éducation. Beaucoup de patients reçoivent leur capteur, mais ne savent pas comment l’interpréter. Un rendez-vous avec un éducateur en diabète (ADCES) peut faire toute la différence. Il faut 1 à 2 séances pour apprendre à lire les graphiques, à noter les aliments et à ajuster les comportements. Sans cet accompagnement, les données restent inutiles.
Le futur du TIR
La recherche avance vite. Des études comme celle de Spartano en 2025 explorent la « plage serrée » (70-140 mg/dL) comme nouvelle cible idéale, basée sur les niveaux observés chez les personnes sans diabète. D’autres travaillent sur l’intelligence artificielle pour prédire les pics avant qu’ils n’arrivent - et proposer des ajustements automatiques.
Le TIR devient le nouveau standard. Dans les prochaines années, il sera intégré aux dossiers médicaux électroniques, aux applications de santé et même aux algorithmes de remboursement. Ce n’est plus une technologie de pointe : c’est la base de la gestion moderne du diabète.
Si vous avez un CGM, ne le laissez pas juste afficher des chiffres. Apprenez à le lire. Posez des questions à votre équipe de soins. Utilisez les données pour comprendre votre corps, pas pour vous punir. Chaque minute passée dans la plage est une minute où votre corps est en paix. Et c’est ça, la véritable liberté.
Quelle est la cible idéale de temps dans la plage pour un adulte avec diabète ?
La cible recommandée pour la plupart des adultes avec diabète de type 1 ou type 2 est d’être dans la plage de 70 à 180 mg/dL au moins 70 % du temps, soit environ 17 heures par jour. Cette cible correspond à un HbA1c d’environ 7 %, mais elle est plus informative car elle montre la stabilité quotidienne. Des objectifs plus stricts, comme 70-140 mg/dL, peuvent être envisagés sous surveillance médicale pour certains patients.
Le TIR remplace-t-il l’HbA1c ?
Non, le TIR ne remplace pas l’HbA1c. Il le complète. L’HbA1c donne une moyenne sur trois mois, ce qui est utile pour évaluer les tendances à long terme. Le TIR, en revanche, révèle les fluctuations quotidiennes, les épisodes d’hypoglycémie et d’hyperglycémie que l’HbA1c cache. Les deux métriques ensemble offrent une vision complète de la gestion du diabète.
Quels sont les risques d’un TIR trop bas ?
Un TIR inférieur à 50 % signifie que vous passez plus de 12 heures par jour en hyperglycémie ou en hypoglycémie. Cela augmente fortement le risque de complications à long terme : problèmes oculaires, nerveux, rénaux et cardiovasculaires. Un TIR bas est aussi associé à une plus grande fatigue, une baisse de concentration et une qualité de vie réduite. Il est un signal d’alarme pour ajuster votre traitement.
Puis-je utiliser un CGM même si je ne prends pas d’insuline ?
Oui. Les nouvelles lignes directrices de l’ADA en 2025 recommandent explicitement l’usage du CGM pour les adultes avec diabète de type 2, même s’ils ne prennent pas d’insuline. Si vous prenez des médicaments comme les SGLT2 ou les GLP-1, ou si vous avez des épisodes d’hyperglycémie ou d’hypoglycémie inexpliqués, un CGM peut vous aider à ajuster votre alimentation et vos traitements de manière plus précise.
Combien de temps dois-je porter un CGM pour avoir des données fiables ?
Pour des données cliniquement valides, il faut porter le capteur pendant au moins 14 jours, avec une activité de capteur d’au moins 70 % du temps - soit environ 17 heures par jour. Une période plus longue (3 à 4 semaines) permet d’observer les variations liées aux saisons, aux changements d’horaire ou aux habitudes alimentaires. Une courte période (moins de 7 jours) ne donne pas une image représentative.