
Bon à savoir avant d’avaler votre comprimé du matin: un petit diurétique utilisé pour la tension peut pousser le sucre à la hausse. Rien de dramatique la plupart du temps, mais assez pour faire rater une cible d’A1C ou basculer une prédiabète du mauvais côté. Ce guide vous donne un plan simple: quoi mesurer, quand s’alarmer, et comment garder une tension bien contrôlée sans faire grimper la glycémie. J’écris depuis Montréal, en tant que père, avec une règle perso: des conseils qu’on peut appliquer entre deux lunchs pour les enfants.
TL;DR
- Le l’hydrochlorothiazide (HCTZ) peut augmenter la glycémie à jeun d’environ 0,2 à 0,6 mmol/L (≈ 4 à 11 mg/dL), surtout aux doses ≥ 25 mg/j et si le potassium baisse.
- Surveillez glycémie, potassium et tension: au départ (baseline), à 1-2 semaines, puis à 4-12 semaines. Notez vos valeurs. N’arrêtez pas seul le traitement.
- Si la glycémie grimpe durablement, discutez: baisser la dose, passer à l’indapamide, associer un IEC/ARA ou un diurétique épargneur de potassium (ex: amiloride) sont des options validées.
- Pour amortir l’effet: gardez le potassium normal, mangez assez de fibres/protéines, hydratez-vous, bougez et surveillez la prise de sel. Attention aux associations (SGLT2 = risque de déshydratation).
- Appelez si: glycémie à jeun augmente ≥ 1,0 mmol/L, symptômes francs (soif, urines fréquentes, fatigue), potassium < 3,5 mmol/L, ou A1C +0,5 % en 3 mois.
Pourquoi l’hydrochlorothiazide peut faire monter la glycémie
HCTZ est un diurétique thiazidique utilisé contre l’hypertension. Il fonctionne en aidant le rein à éliminer du sel et de l’eau. Effet collatéral bien documenté: une légère hausse de la glycémie et de la résistance à l’insuline. Deux mécanismes dominent:
- La baisse de potassium (hypokaliémie) diminue la sécrétion d’insuline par le pancréas. Moins de potassium = insuline qui réagit moins bien.
- De petites modifications du métabolisme lipidique et de la sensibilité à l’insuline, surtout aux doses plus élevées.
Ce n’est pas une théorie: des méta-analyses montrent une hausse moyenne de la glycémie à jeun d’environ 0,2-0,3 mmol/L (4-5 mg/dL), plus marquée avec les doses ≥ 25 mg d’HCTZ et avec la chlortalidone par rapport à l’indapamide (revues dans Hypertension 2020; recommandations Hypertension Canada 2024). L’American Diabetes Association (Standards of Care 2025) considère quand même les thiazidiques comme options valides chez les personnes diabétiques, à faible dose et avec surveillance du potassium.
Tous les thiazidiques ne se valent pas côté « sucre »:
- HCTZ: effet métabolique modeste, mais dose-dépendant.
- Chlortalidone: plus puissante, plus durable; peut avoir un impact un peu plus marqué sur la glycémie et le potassium pour dose équivalente.
- Indapamide: profil métabolique généralement plus neutre, bon choix si la glycémie dérape.
Le contexte compte. Si vous avez une prédiabète, une alimentation pauvre en potassium, ou prenez déjà un médicament qui déshydrate (ex: inhibiteur SGLT2), le risque d’augmentation de la glycémie est un peu plus élevé. À l’inverse, associer un IEC/ARA (ramipril, losartan…) tend à protéger partiellement le potassium et l’équilibre glycémique.
Plan de surveillance: quoi mesurer, à quel rythme, avec quels seuils
Objectif: détecter tôt une hausse significative de glycémie et corriger les leviers faciles (potassium, hydratation, dose). Voici un plan simple que j’utilise aussi dans ma famille.
Avant de commencer HCTZ (ou lors d’un renouvellement avec hausse de dose):
- Bilan de base: glycémie à jeun, A1C, créatinine/eDFG, sodium, potassium, poids, tension. Idéalement un profil glycémique de 3 jours (à jeun et 2 h après repas principal) si vous avez une prédiabète/diabète.
- Listez vos médicaments: insuline, sulfonylurées, metformine, GLP‑1, SGLT2, bêtabloquants. Mentionnez les diurétiques déjà pris.
- Fixez la dose: chez beaucoup d’adultes, 12,5 mg d’HCTZ suffisent quand il est combiné à un autre antihypertenseur. Plus la dose est haute, plus l’effet sur la glycémie et le potassium est probable.
Après le début (ou l’augmentation de dose):
- 1-2 semaines: tension, poids, signes de déshydratation, glycémie à jeun (2-3 fois dans la semaine), potassium/sodium/créatinine en labo.
- 4-12 semaines: glycémie à jeun hebdomadaire si pas de diabète; si diabète, contrôles à jeun + après repas 1-3 fois/semaine; recontrôle du potassium et de la créatinine; A1C à 3 mois si vous en avez une base.
À la maison: gardez un petit journal. Trois colonnes suffisent: date/heure, glycémie, remarques (repas plus sucré, sport, oubli de dose, soif inhabituelle). Petit rappel d’unités: mg/dL = mmol/L × 18.
Seuils d’action (prenez ces repères pour déclencher un appel, pas pour vous auto-prescrire):
Situation | Seuil (mmol/L) | Seuil (mg/dL) | Action suggérée |
---|---|---|---|
Augmentation de la glycémie à jeun par rapport à la valeur de base | +0,5 à +1,0 | +9 à +18 | Renforcer hydratation, vérifier potassium rapidement, appeler la clinique pour avis. |
Augmentation de la glycémie à jeun vs base | ≥ +1,0 | ≥ +18 | Contacter le prescripteur sous 1 semaine pour ajustements (dose, switch, association). |
Glycémie à jeun répétée | ≥ 7,0 | ≥ 126 | Si nouveau, confirmer; si connu, revoir plan anti-diabétique; prise de sang et plan d’ajustement. |
Glycémie 2 h après repas (persistante) | ≥ 10,0 | ≥ 180 | Revoir repas, hydratation, activité; si récurrent, appeler pour adaptation. |
Potassium sérique | < 3,5 | - | Appeler rapidement; corriger par diète, supplément ou médicament; recontrôler en 1 semaine. |
Symptômes (soif, urines fréquentes, vision floue, fatigue) | - | - | Tester la glycémie; si élevée et symptômes marqués, contacter sans tarder. |
Règle pratique: si l’A1C grimpe d’au moins 0,5 % dans les 3 mois suivant le début d’HCTZ, discutez d’un ajustement. C’est aussi ce que suggèrent les standards ADA 2025 quand un changement de traitement modifie le contrôle glycémique.

Quand et comment adapter le traitement avec votre professionnel
But: garder les bénéfices cardiovasculaires des thiazidiques sans pénaliser le sucre. Voici l’ordre logique d’options à discuter, selon votre profil et vos chiffres:
- Corriger d’abord le potassium et l’hydratation
- Si K+ < 4,0 mmol/L ou en baisse: diète riche en potassium (banane, légumineuses, épinards, patate douce), supplément si prescrit, ou ajout d’un épargneur de potassium (amiloride, spironolactone) selon votre fonction rénale. Le trial PATHWAY‑3 (Lancet Diabetes Endocrinol 2016) a montré qu’amiloride atténue l’impact glycémique d’HCTZ.
- Buvez régulièrement, surtout les 10 premiers jours; évitez l’alcool en excès (déshydratant).
- Réduire la dose si possible
- Passer de 25 mg à 12,5 mg d’HCTZ peut suffire pour la tension, avec un effet métabolique moindre. La relation dose‑effet est claire dans les revues et dans les lignes directrices Hypertension Canada 2024.
- Changer de molécule dans la même famille
- Indapamide (1,25-2,5 mg) a un profil plus neutre sur le glucose. Beaucoup de cliniciens au Québec l’utilisent quand la glycémie réagit mal à HCTZ.
- La chlortalidone est très efficace sur la tension; si vous la prenez, la surveillance du potassium et du glucose doit être un cran plus serrée.
- Optimiser les associations cardio-protectrices
- Associer un IEC (ex: périndopril) ou un ARA (ex: losartan) aide sur la pression et peut limiter la baisse de potassium.
- Si vous prenez déjà un SGLT2 (ex: empagliflozine), le combo avec un diurétique augmente le risque de déshydratation: commencez bas, surveillez la tension/poids, adaptez à la soif et aux symptômes.
- Ajuster les antidiabétiques au besoin
- Metformine: souvent 1er levier si A1C monte et qu’elle est tolérée.
- GLP‑1 (ex: sémaglutide): utile si besoin de perte de poids et baisse d’A1C; attention à l’hydratation.
- Insuline/sulfonylurées: ajustements fins pour éviter hypoglycémies, surtout si d’autres modifications de traitement se font en parallèle.
Important: ne stoppez pas un antihypertenseur tout seul. La hausse de tension “rebond” est un vrai risque. Programmez un appel/téléconsultation avec votre équipe pour décider ensemble.
Habitudes de vie qui limitent l’impact sur la glycémie
Ici, on parle de gestes concrets, pas de grandes résolutions.
- Potassium dans l’assiette: visez 2-3 portions/jour d’aliments riches en potassium (légumineuses, légumes verts, yogourt nature, patate douce, avocats). Si vous avez une maladie rénale chronique (DFGe < 45 ml/min), demandez avant: trop de potassium peut alors être dangereux.
- Fibres et protéines au petit déjeuner: 20-30 g de protéines et 8-10 g de fibres calment la glycémie à jeun et le pic post-repas. Exemple: omelette + haricots + tranche de pain complet; ou yogourt grec + petits fruits + graines de chia.
- Sel sous contrôle: HCTZ marche mieux si l’apport en sel baisse. Moins de sel = moins besoin de gros diurétiques = moins d’effets métaboliques. Pensez “cuisiné maison” et lisez les étiquettes.
- Mouvement bref mais régulier: 10-15 minutes de marche après les deux repas principaux abaissent le pic postprandial de 1-2 mmol/L chez beaucoup de personnes. Ce petit rituel aide aussi la tension.
- Horaire et hydratation: prenez HCTZ le matin pour éviter les réveils nocturnes. Ayez une bouteille d’eau sous la main. Coupez l’alcool les jours chauds.
- Sommeil stable: 7-8 heures, horaire régulier. Les nuits hachées majorent la résistance à l’insuline et poussent à grignoter sucré.
Astuce papa-approuvée à la maison: je prépare la collation “potassium + protéines” de l’après-midi la veille (ex: hummus + crudités). Quand la journée part dans tous les sens avec Solal, ça m’évite le croissant de 16 h.

Cas pratiques, checklists, mini‑FAQ
Trois scénarios réels pour vous guider.
Scénario 1 - Prédiabète + HCTZ 12,5 mg: vous commencez HCTZ, potassium normal, pas d’autre diurétique. À 2 semaines, la glycémie à jeun passe de 5,8 à 6,2 mmol/L. Action: renforcer hydratation, ajouter une portion de légumineuses/jour, marche post-repas, recontrôler le potassium. À 4 semaines, retour à 5,9 mmol/L. Pas besoin de changer le médicament.
Scénario 2 - Diabète + SGLT2 + HCTZ 25 mg: tension pas encore au rendez-vous, on ajoute HCTZ 25 mg. À 10 jours, vous êtes plus assoiffé, glycémies post-repas à 9,5-10,5 mmol/L (avant 8-9). Tension basse en fin de journée. Action: appeler; on réduit HCTZ à 12,5 mg, on conseille +250-500 ml d’eau/j, on vérifie K+ et créatinine. Glycémies reviennent dans la cible, tension ok.
Scénario 3 - A1C qui grimpe de 0,6 % en 3 mois: malgré un bon potassium, l’A1C est passée de 7,1 % à 7,7 %. Action: on bascule d’HCTZ à indapamide, et on renforce l’IEC. On discute d’un GLP‑1 pour l’A1C et le poids. À 3 mois, A1C 7,2 %, tension stable.
Checklists utiles
- Avant de démarrer HCTZ
- Prise de sang: glycémie à jeun, A1C, K+, Na+, créatinine/eDFG.
- Mesures maison: 3 glycémies à jeun et 3 post‑repas sur 3-5 jours.
- Plan d’hydratation et d’apport en potassium.
- Ordonnance et dose cibles (viser la dose la plus basse efficace). >
- Semaines 1-4
- Glycémies: si pas diabétique, 2-3 à jeun/semaine; si diabétique, + 1-3 post‑repas/semaine.
- Laboratoire à 1-2 semaines: K+, Na+, créatinine.
- Journal: tension, poids, symptômes (soif, vertiges, crampes). >
- Sick‑day rules (jours de maladie/déshydratation)
- Priorité hydratation; fractionnez l’HCTZ ou mettez‑le en pause temporaire si prescrit par votre équipe.
- Contrôlez la glycémie plus souvent; évitez l’alcool.
- Appelez si vomissements répétés, étourdissements, K+ bas connu, ou glycémies > 14 mmol/L (250 mg/dL) persistantes. >
Mini‑FAQ
- Est‑ce que HCTZ « cause » le diabète? À lui seul, rarement. Il peut accélérer une tendance quand d’autres facteurs sont là (poids, génétique, sédentarité). Le bénéfice sur la pression et le cœur reste majeur. D’où la surveillance et les doses basses.
- L’augmentation du sucre est‑elle temporaire? Souvent oui, surtout si le potassium est corrigé et la dose optimisée. Si la hausse persiste au‑delà de 8-12 semaines, on ajuste.
- Indapamide est‑il vraiment mieux pour la glycémie? Le profil métabolique est en moyenne plus neutre, selon essais et pratiques cliniques. Il reste un excellent antihypertenseur.
- Quels cibles de glycémie viser? À jeun: 4,0-7,0 mmol/L (72-126 mg/dL). 2 h après repas: < 10,0 mmol/L (< 180 mg/dL) pour beaucoup d’adultes; adaptez selon votre plan individuel.
- Et le potassium, on vise quoi? Entre 4,0 et 4,5 mmol/L chez la plupart des adultes sous diurétiques; discutez d’une cible personnalisée si vous avez une maladie rénale.
- Prendre HCTZ le soir change‑t‑il la glycémie? Non. Mais la prise du matin limite les réveils nocturnes pour uriner.
- Je porte un capteur (CGM): utile? Oui. Taguez les changements de médicaments; observez la courbe les 10 premiers jours.
Sources fiables à connaître (sans liens): Standards of Care in Diabetes - ADA 2025; Lignes directrices Hypertension Canada 2024; PATHWAY‑3, Lancet Diabetes Endocrinol 2016; Revue « Thiazide diuretics and glucose » Hypertension 2020; KDIGO 2021 pour le potassium en maladie rénale.
Prochaines étapes
- Notez votre valeur de base (glycémie à jeun et A1C) avant ou dès aujourd’hui.
- Planifiez un contrôle labo K+/créatinine à J7-J14.
- Choisissez une action « facile » dès ce soir: +1 portion de légumineuses, 10 minutes de marche après le souper, une bouteille d’eau au bureau.
- Fixez un point avec votre équipe à 4-6 semaines pour réviser chiffres et dose.
- Si vos seuils d’alerte sont atteints (voir tableau), appelez dans la semaine; en cas de symptômes marqués, n’attendez pas.
Dépannage rapide
- Glycémie en hausse + crampes nocturnes: pensez hypokaliémie. Demandez un dosage de K+; parlez d’amiloride ou d’une correction du potassium.
- Tension trop basse, étourdissements: réduisez le sel caché plutôt que de forcer la dose de diurétiques; revoyez la combinaison d’antihypertenseurs.
- Pic post‑repas récurrent: placez 10-15 minutes de marche juste après le repas; swap un féculent blanc pour du complet; ajoutez 15 g de protéines.
- Vous êtes déjà au maximum côté diète/marche et la glycémie grimpe: discutez d’un switch vers indapamide ou d’une baisse d’HCTZ; revoyez l’arsenal anti‑diabétique (metformine/GLP‑1).
La vraie victoire, c’est la combo: tension contrôlée, glycémie stable, et une routine qui tient dans la vie de tous les jours. Avec un plan clair et quelques ajustements, c’est à portée - même les semaines où l’école de Solal commence trop tôt.